Les marchés de Noël sont des moments forts du calendrier, mêlant traditions et ambiance conviviale. En France, des millions de visiteurs s’y pressent chaque année, notamment à Strasbourg, où le marché attire plus de trois millions de personnes. Cette affluence représente un défi sécuritaire. Depuis l’attentat de décembre 2018 à Strasbourg, la sécurisation de ces événements a été considérablement renforcée. Cet article revient sur l’organisation de la sécurité des marchés de Noël en 2025, les mesures mises en place et les bonnes pratiques pour les organisateurs et les professionnels de la sécurité privée.
Un contexte de menace élevée
La France demeure sous le régime du plan Vigipirate, un dispositif piloté par le Premier ministre pour prévenir le terrorisme. Ce plan poursuit deux objectifs : développer une culture de vigilance et de sécurité dans l’ensemble de la société et assurer une protection permanente des citoyens et du territoire. Il s’appuie sur l’évaluation de la menace terroriste, l’identification des vulnérabilités et l’adaptation des dispositifs de sécurité selon le niveau de risque. Selon le SGDSN, la posture générale du plan Vigipirate recense près de 300 mesures, dont certaines sont activées à l’occasion de fêtes de fin d’année.
À l’automne 2025, la France est maintenue au niveau « urgence attentat », ce qui entraîne une mobilisation exceptionnelle des forces de l’ordre et des acteurs privés lors des rassemblements festifs. À Strasbourg, le dispositif vise à sanctuariser la Grande Île. La circulation automobile est interdite pendant les horaires du marché, sauf pour les personnes munies d’une autorisation, et aucune manifestation n’est autorisée sur ce périmètre. Les drones privés sont interdits ; seules les forces de police peuvent survoler la zone.
Contrôles d’accès et présence renforcée
Un quadrillage important est mis en place pour assurer la sécurité des visiteurs. À Strasbourg, environ 1 000 personnes (CRS, gendarmes mobiles et policiers nationaux) sont mobilisées chaque jour. Elles effectuent des contrôles aléatoires sur les piétons, notamment au niveau des ponts qui donnent accès à la Grande Île. Les objets volumineux (valises, colis, sacs) sont systématiquement fouillés, et les cyclistes peuvent également être contrôlés. Ces fouilles nécessitent une attention particulière des agents de sécurité privée : les contrôles doivent être proportionnés et non discriminatoires, en veillant à respecter la législation sur la fouille des effets personnels.
L’État et la préfecture mobilisent également des forces de l’ordre en arme, qui patrouillent en permanence dans les allées. Selon un reportage de TF1 Info, 400 CRS et gendarmes et 1 000 agents de sécurité sont dédiés à la surveillance du marché de Noël de Strasbourg ; ils sont appuyés par environ 450 caméras de vidéoprotection gérées par la Métropole. Ce dispositif a été renforcé depuis l’attentat de 2018 et rassure les visiteurs, bien que la préfète souligne que le risque zéro n’existe pas.
Gestion des flux et organisation de l’espace
Au‑delà des contrôles, la gestion des flux est primordiale pour éviter les mouvements de foule. Trois zones sensibles ont été identifiées à Strasbourg : le secteur de la cathédrale, la place Broglie et la place Kléber. Pour fluidifier la circulation :
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les arrêts de tram à l’intérieur de la Grande Île (Broglie, Alt Winmärik et Langstross Grand Rue) ne sont pas desservis pendant les horaires du marché, à l’exception de la station Homme‑de‑Fer.
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la rue du Maroquin et la rue de l’Outre sont mises en sens unique tous les week‑ends à partir de 13 h. Si nécessaire, d’autres rues (Orfèvres, Dominicains) pourront également passer en sens unique ;
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la place Kléber n’accueille plus d’espace de convivialité le week‑end afin d’éviter les points de congestion ;
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l’accès à la cathédrale s’effectue par l’entrée sud (place du Château) afin de mieux contrôler les flux.
En cas de très forte affluence, des mesures exceptionnelles peuvent être déclenchées : fermeture temporaire de certains ponts piétons, instauration d’un sens unique rue Mercière ou fermeture de la station de tram Homme‑de‑Fer. Ces décisions sont prises en temps réel par le préfet en concertation avec les forces de sécurité.
Sécurisation passive et technologies
Les autorités utilisent des dispositifs de sécurisation passive pour prévenir les attaques à la voiture‑bélier. Des plots et des obstacles fixes sont installés aux entrées principales afin d’empêcher l’accès à des véhicules non autorisés. La préfecture renforce aussi la vidéoprotection : les quelque 450 caméras de la métropole permettent aux forces de l’ordre de surveiller en direct les entrées et de détecter rapidement tout comportement suspect. Les drones de la police peuvent être mobilisés pour survoler la zone, tandis que les drones civils sont interdits.
Pour les entreprises de sécurité privée, l’utilisation de ces technologies implique une maîtrise du cadre réglementaire. La CNIL rappelle que seules les autorités publiques peuvent filmer la voie publique et que les images doivent être consultées par des personnes habilitées, conservées pendant une durée proportionnée et être signalées au public. La vidéoprotection algorithmique (détection de comportements) peut améliorer la réactivité, mais elle reste strictement encadrée (absence de reconnaissance faciale, analyse différée).
Le rôle de la sécurité privée
Les marchés de Noël mobilisent de nombreux agents de sécurité privée qui travaillent en synergie avec les forces de l’ordre. Ces agents sont chargés de filtrer les entrées, de réaliser les fouilles, de surveiller les abords et de répondre aux incidents. Leur présence est indispensable pour décharger les policiers des tâches de contrôle et pour guider le public. En 2025, les professionnels doivent posséder une carte professionnelle à jour et être formés selon les programmes CNAPS (TFP APS de 175 heures et formation continue). Le décret de décembre 2024 impose également aux formateurs de détenir une carte professionnelle depuis le 1ᵉʳ mars 2025. Ces exigences garantissent la qualité des prestations et l’éthique des agents, notamment lors de fouilles de sacs ou de gestion de conflits.
Le renouvellement des uniformes, imposé par l’arrêté du 18 juillet 2023, permet également de distinguer clairement les agents de sécurité privée du public et des forces de l’ordre (numéro d’identification sur la poitrine, inscription « Sécurité Privée » dans le dos). Dans le cadre des marchés de Noël, ces tenues standardisées facilitent l’identification rapide des agents et renforcent la confiance des visiteurs.
Conseils pour les organisateurs et les municipalités
L’organisation d’un marché de Noël doit s’inscrire dans une démarche de gestion du risque et de conformité avec le plan Vigipirate. Les organisateurs doivent :
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Élaborer une analyse de risque en concertation avec la préfecture et les forces de sécurité. Cette analyse doit identifier les vulnérabilités du site, prévoir les flux d’entrée et de sortie et dimensionner les effectifs nécessaires.
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Définir un périmètre de sécurité clair (barriérages, contrôles d’accès, zones interdites) et installer des obstacles physiques pour empêcher les intrusions de véhicules.
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Coordonner les acteurs : travailler étroitement avec les services de police et de gendarmerie, les pompiers et les entreprises de sécurité privée. Prévoir des consignes d’alerte et de secours, des exercices de simulation et un système de communication robuste.
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Former et informer le personnel : s’assurer que les agents connaissent les procédures de contrôle, la réglementation sur la fouille, les droits des personnes et les premiers secours. Les bénévoles et commerçants doivent être sensibilisés aux gestes de vigilance et au signalement de comportements suspects.
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Communiquer avec le public : informer les visiteurs des points d’accès, des consignes de sécurité et des restrictions (objets interdits, sacs volumineux) via la signalétique, le site web de l’événement et les réseaux sociaux. Une communication transparente réduit l’attente aux contrôles et améliore l’adhésion du public.
Conclusion
Les marchés de Noël demeurent des symboles incontournables des fêtes de fin d’année. La multiplicité des dispositifs (sanctuarisation, contrôles, gestion des flux, vidéoprotection) montre qu’il est possible de concilier convivialité et sécurité. La réussite de ces événements repose sur une étroite collaboration entre l’État, les collectivités et les entreprises de sécurité privée, dans le respect du plan Vigipirate et de la protection des libertés individuelles. La vigilance de chacun – organisateurs, agents et visiteurs – est un gage supplémentaire pour que la magie des marchés de Noël puisse se déployer sereinement.

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