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État des lieux de la sécurité privée en 2025 : croissance, professionnalisation et nouvelles règles

VIP Sécurité Privée NYX

La sécurité privée occupe une place toujours plus importante dans la protection des personnes et des biens. Pour répondre à la demande croissante des entreprises, des collectivités et de l’État, le secteur s’est fortement professionnalisé. Le premier article de cette série fait le point, à l’aube de 2026, sur l’évolution du marché français de la sécurité privée, les chiffres clés et les principales évolutions réglementaires.

Un secteur en plein essor

Le panorama statistique de la branche « prévention‑sécurité » montre un marché en croissance malgré les incertitudes économiques. Les chiffres officiels pour l’exercice 2023, publiés début 2025, soulignent plusieurs tendances :

  • Hausse du chiffre d’affaires : le chiffre d’affaires de la branche atteignait 11,12 milliards d’euros en 2023 (+10 % par rapport à 2022) et la quasi‑totalité de cette progression provient du secteur privé. Les marchés privés représentent 86 % du chiffre d’affaires, contre 14 % pour les marchés publics.

  • Sous‑traitance en hausse : la sous‑traitance a retrouvé son niveau de 2016 en représentant 9,5 % du chiffre d’affaires en 2023. Cette montée de la sous‑traitance illustre un déplacement d’activité vers des entreprises spécialisées et oblige les donneurs d’ordre à bien structurer les relations contractuelles.

  • Des entreprises de petite taille : sur 5 012 entreprises recensées, les deux tiers sont des TPE de moins de dix salariés. Ces petites structures ont connu une croissance de 21 % du chiffre d’affaires en un an.

  • Effectifs en progression : la branche employait 210 500 salariés fin 2023, soit une hausse de 2,5 % par rapport à 2022. Les hommes représentent 86 % des effectifs et l’âge moyen est de 42 ans.

  • Turn‑over élevé : 193 000 embauches ont été comptabilisées en 2023, soit 92 % de l’effectif total, contre 185 000 départs. La majorité des embauches se fait en CDD (70 %) et seules 2,5 % sont converties en CDI, ce qui montre la difficulté à stabiliser les équipes.

  • Concentration géographique : plus de 43 % des salariés de la branche exercent en Île‑de‑France.

Ces chiffres concordent avec l’état des lieux dressé par l’Essor de la Sécurité, qui rappelle que le nombre de salariés a augmenté de 9 % depuis 2019 et que 86 % du chiffre d’affaires provient des marchés privés. La hausse est particulièrement forte pour les petites structures, tandis que les entreprises de taille moyenne ont vu leur chiffre d’affaires baisser en 2023.

Réforme et professionnalisation du secteur

L’essor de la sécurité privée s’accompagne d’une modernisation du cadre juridique. Plusieurs textes récents illustrent cette tendance :

La loi du 25 mai 2021 pour une sécurité globale

Adoptée en 2021, cette loi a renforcé l’encadrement des activités privées de sécurité. Elle poursuit la professionnalisation du secteur via la mise en place d’une formation et d’une certification uniformes. Elle a aussi renforcé les pouvoirs du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS), autorité de régulation chargée de délivrer les cartes professionnelles, de contrôler les entreprises et d’appliquer des sanctions. Le CNAPS a délivré 88 000 cartes professionnelles en 2024 et a augmenté le nombre de sanctions pécuniaires de 40 % (3,9 millions d’euros) pour faire respecter la réglementation.

Uniformisation des tenues : l’arrêté du 18 juillet 2023

Pour éviter les confusions avec les forces de l’ordre, l’arrêté du 18 juillet 2023 impose une tenue standardisée aux agents de sécurité et entre en vigueur le 1ᵉʳ octobre 2024. Les obligations sont détaillées dans une fiche pratique du CNAPS :

  • Les agents des activités de surveillance, de gardiennage, de transport de fonds, les agents cynophiles et les services internes de sécurité sont soumis à ces règles.

  • La tenue ne doit pas prêter à confusion avec les uniformes de police ou de gendarmerie.

  • Sur la poitrine, la tenue doit afficher le numéro d’identification individuel correspondant aux sept derniers chiffres de la carte professionnelle, en caractères Arial 36 sur une bande de 54 mm × 15 mm. Un insigne reproduisant le nom ou le sigle de l’entreprise est placé sous ce numéro.

  • Au dos, l’inscription « SÉCURITÉ PRIVÉE » doit être centrée et inscrite en lettres rétro‑réfléchissantes de type Arial 76.

  • Ces obligations ne dispensent pas l’agent de porter sa carte professionnelle sur lui.

Cette uniformisation a suscité des critiques dans la profession : de nombreuses entreprises devront renouveler leurs uniformes, ce qui représente un coût financier et écologique important.

Ordonnance et décret de 2024 : refonte de la formation

L’ordonnance n° 2023‑374 du 16 mai 2023 et le décret n° 2024‑311 du 4 avril 2024 ont totalement réécrit les dispositions relatives à la formation. La réforme est entrée en vigueur le 1ᵉʳ mars 2025. Elle prévoit :

  • Une formation initiale harmonisée autour du titre professionnel Agent de Prévention et de Sécurité (TFP APS) d’une durée minimale de 175 heures couvrant les aspects juridiques, techniques et pratiques (gestion des conflits, secourisme, surveillance, gestion des alarmes).

  • L’obligation d’obtenir une autorisation préalable du CNAPS avant d’entrer en formation, afin de vérifier la moralité du candidat.

  • La centralisation des certifications au RNCP (Répertoire national des certifications professionnelles) pour harmoniser les titres, CQP et diplômes.

Carte professionnelle : extension aux formateurs

Le décret du 4 décembre 2024 a renforcé le dispositif de renouvellement de la carte professionnelle et a instauré l’obligation pour les formateurs de détenir eux‑mêmes une carte professionnelle depuis le 1ᵉʳ mars 2025. Cette mesure vise à garantir la compétence et la moralité de ceux qui forment les futurs agents.

Formation à distance : arrêté du 27 janvier 2025

Afin d’adapter la formation aux besoins des professionnels, un arrêté du 27 janvier 2025 encadre la formation continue à distance. Les points clés sont :

  • Les actions de formation à distance peuvent être synchrones (visioconférences en présence d’un formateur) ou asynchrones (modules réalisés via une plateforme d’e‑learning).

  • L’organisme de formation doit être autorisé par le CNAPS et déclarer les dates des conférences quinze jours avant leur déroulement. Pour l’asynchrone, il doit déclarer l’ouverture de la plateforme et la liste des stagiaires.

  • Chaque module à distance doit être validé par un questionnaire d’évaluation mis à jour avec la réglementation pour permettre l’accès au module suivant.

  • Avant la session, une réunion (en présentiel ou visioconférence) doit présenter les objectifs pédagogiques et les modalités de formation. Des outils de communication sécurisés et une assistance technique doivent être mis en place.

  • L’organisme doit conserver le tableau de suivi et les données de connexion des stagiaires pendant trois ans et les tenir à disposition du CNAPS. Ces données doivent respecter le RGPD et la loi Informatique et Libertés.

Enjeux et défis pour les professionnels

Malgré la croissance du marché, plusieurs défis se posent aux entreprises de sécurité :

  1. Recrutement et fidélisation des agents. Le turn‑over élevé et la prédominance des contrats à durée déterminée montrent la difficulté à stabiliser la main‑d’œuvre. Les entreprises doivent travailler sur l’attractivité des métiers (conditions de travail, rémunération, perspectives d’évolution) pour fidéliser leurs équipes.

  2. Conformité réglementaire. Les nouvelles obligations (uniforme, formation, carte professionnelle des formateurs, traçabilité renforcée des interventions) augmentent les coûts et les démarches administratives. Un manquement peut entraîner la suspension ou le retrait des agréments et de la carte professionnelle.

  3. Coûts et transition écologique. Le renouvellement des tenues imposé en 2024 est perçu comme un gouffre financier et écologique par certaines entreprises. Une gestion durable des uniformes et du matériel (recyclage, éco‑conception) devient un enjeu de responsabilité sociétale.

  4. Soutien du CNAPS. La professionnalisation accrue renforce le rôle du CNAPS comme régulateur. Les entreprises doivent s’assurer que leurs procédures sont conformes et doivent anticiper les contrôles (validité des cartes, respect des volumes de formation, conformité des tenues, etc.).

Conclusion

L’année 2025 marque un tournant pour la sécurité privée en France. La croissance de la branche, portée par l’augmentation de la demande privée et la digitalisation, s’accompagne d’un cadre juridique plus strict et d’une professionnalisation accrue. Les nouvelles règles sur les tenues, la formation et la carte professionnelle visent à améliorer la qualité des prestations et à renforcer la confiance du public. Pour rester compétitives, les entreprises devront investir dans la formation, l’innovation et la conformité réglementaire tout en proposant des conditions de travail attractives à leurs salariés.

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Benoît

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